Le départ de Luca de Meo : quelles conséquences pour le design Renault ?

Luca de Meo, à droite, et Carlos Tavares. Ces deux grands patrons des deux groupes automobiles français ne le sont désormais plus. Tavares a été débarqué en fin 2024 alors que De Meo a choisi le secteur du luxe, avec le poste de Directeur général de Kering (François-Henri Pinault) à partir du 15 septembre prochain.

Le départ de Luca de Meo de la direction du groupe Renault a été une totale surprise. Voire une totale incompréhension de la part de nombreux salariés. Quelles conséquences pour le groupe ? Les journaux économiques tentent d’écrire un scénario plausible pour l’avenir de Renault. Et côté design ? La question mérite d’être posée lorsqu’on connait les relations étroites qui liaient Luca de Meo et Gilles Vidal, le directeur du design Renault.

Luca de Meo a démontré chez Renault son affinité et sa passion pour le produit, sans oublier la notion d’héritage de la marque qu’il a su réinventer.

Souvenons-nous, l’arrivée de Luca de Meo à la tête du groupe Renault en 2020 et la formation du géant Stellantis en 2021 a donné lieu à de multiples transferts entre les deux géants automobiles. Et ce, de l’ingénierie au design, où de nombreux départs ou arrivées ont refaçonné les organigrammes des équipes de design des deux groupes automobiles. Le transfert le plus retentissant fut évidemment celui de Gilles Vidal, de la direction du design Peugeot à celle du design Renault.

En arrivant chez Renault en 2020, Gilles Vidal trouve dans sa corbeille de mariage un étonnant petit engin qui deviendra la R5 E-TECH…

Mais il y en a eu bien d’autres : Alejandro Mesonero-Romanos de Dacia à Alfa Romeo, François Leboine de Renault (ci-dessous) à Fiat, Helène Veilleux, Romain Gauvin et Raphaël le Masson de Citroën à Dacia. Pas moins d’une dizaine de designers de Stellantis ont alors rejoint le groupe Renault. Citroën et le Peugeot Design Lab de l’époque avaient alors été ponctionnés…

…une R5 E-TECH née sous la direction de François Leboine et son équipe dédiée aux concept-cars et avance de phase. Il quitte Renault en 2021 et devient patron du design Fiat où il gère la naissance d’une concurrente de la R5 : la Fiat Grande Panda.

L’aimant Luca de Meo étant désormais sur le départ – ce sera effectif le 15 juillet -, faut-il craindre de nouveaux transferts au moment où, chez le concurrent Stellantis, le nouveau grand patron a été nommé en la personne d’Antonio Filosa ? Bis repetita ? Les industries vivent sur des cycles dont elles ne maîtrisent pas toujours le rythme.

Si l’on regarde par le simple petit bout de la lorgnette « design », force est de reconnaître que Luca de Meo a une emprise forte et a toujours été décisionnaire des choix des différentes équipes de design du groupe Renault : la marque éponyme, mais aussi Alpine, Dacia et Mobilze. Et ce n’est un secret pour personne, la connexion entre Luca de Meo ci-dessus et Gilles Vidal a toujours été forte et rappelait sous certains angles, celles qui lia le patron Renault d’alors – Louis Schweitzer – et le patron de design Patrick le Quément (ci-dessous).

Ces relations étroites n’ont hélas pas que du bon. On a reproché à Le Quément lors de cette période, la trop grande proximité qu’il avait noué avec le président Schweitzer. Gilles Vidal va-t-il pour autant être orphelin d’un père qui lui dressé le tapis rouge lorsqu’il a quitté Peugeot, une marque jusqu’alors griffée « Vidal », comme ci-dessous, l’actuelle génération de 208 ?

À priori non, car la structure mise en place, notamment avec le responsable de l’avant-phase et des concept-cars Sandeep Bhambra (ci-dessous) qui a suivi Gilles Vidal de Peugeot à Renault, est solide. Le même commentaire prévaut pour le futur remplaçant de Luca de Meo à l’échelle de la direction du groupe Renault. En espérant que sa nomination prenne moins de temps que celle du patron de Stellantis !

Pour autant, les designers sont des carriéristes comme tout le monde, ou presque. Et c’est là qu’intervient une interrogation qui a du sens. Si à l’époque de PSA, Gilles Vidal pouvait se sentir à l’étroit chez Peugeot, avec nulle possibilité de grimper plus haut et de viser pourquoi pas le poste de Jean-Pierre Ploué à la tête du design Stellantis Europe, la donne a changé aujourd’hui.

Chez PSA (puis Stellantis), la règle est claire depuis les années 2010 : Jean-Pierre Ploué à droite, règne sur les directions du design des marques, et chacune dispose de son propre directeur de design, comme ici Gilles Vidal, alors patron du design Peugeot.

La piste Stellantis pour Vidal a quand même peu de chance d’aboutir. Pourtant, Jean-Pierre Ploué entretenait des rapports étroits avec Carlos Tavares avec qui il est arrivé a imposer des idées fortes, comme la renaissance de Lancia avec une équipe commando constituée au départ de quelques français. Mais Tavares est parti, quid de la relation à venir avec la nouvelle direction mondiale de Stellantis ?

Jean-Pierre Ploué, 63 ans, toujours fidèle à son poste.

En outre, Jean-Pierre Ploué, né en 1962 et entré chez PSA à la fin de l’année 1999, a cette année 63 printemps. La fleur de l’âge ! « JPP » pourrait bien poursuivre sa route encore quelques années… C’est un homme passionné, investi et qui débordera toujours d’idées ! C’est aussi et surtout un manager hors pair, ce qu’un designer ne devient pas forcément. Enfin, et ce n’est pas négligeable, Jean-Pierre Ploué fait partie de l’élite mondiale des grands directeurs de design, avec le confort financier – assumé – qui va avec. Et à cet âge, le confort c’est appréciable !

Pour autant, quelques crêtes ont un peu enrayé ce tableau très lisse d’une incroyable fusion entre ces trois initiales « JPP » et le groupe Stellantis. La dernière en date est la réorganisation de l’équipe de design Lancia (ci-dessus avec Luca Napolitano à droite, directeur de Lancia) où les Italiens ont repris la main. Heureusement, les Français de Lancia ont pu réintégrer l’ADN à Vélizy. Avec l’arrivée d’Antonio Filosa, peut-on craindre une italianisation de Stellantis ? Avec Lancia, Alfa-Romeo et Maserati chouchoutées ? Peu probable, le terrain de jeu de Stellantis est avant tout mondial !

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De son côté, Gilles Vidal a carte blanche chez Renault (ci-dessus, lors de la présentation du Scénic voiture de l’année 2024). Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cette marque a enchaîné les présentations de nouveautés à un rythme bien supérieur à celui de Peugeot. A la décharge la marque au lion, le demi-tour effectué avec les plateformes 100% EV qui restent finalement en grande partie multi énergie a été chronophage, retardant de quelques longs mois les programmes en cours.

Toute une nouvelle gamme de produits va s’inspirer du concept-car Emblème et incarnera ainsi 100% la griffe de l’équipe menée par Gilles Vidal.

Quant à Luca de Meo, il a rappelé lui-même dans son mot (pot ?) de départ, qu’en cinq ans il a su mettre en place « une équipe solide, une organisation agile et un plan stratégique prêt à porter la prochaine génération de produits. C’est pourquoi j’ai décidé qu’il était temps pour moi de passer le relais. » Chez Renault, le volet design de ce plan stratégique prend les traits du concept-car Emblème ci-dessus signé par le duo Vidal-Bhambra, qui porte en lui le design de toutes les Renault des années 2026 à 2033.

Encore une image de la complicité entre Vidal à gauche et Ploué. Photo prise à l’époque de la gestion du concept-car Peugeot BB1 de 2009.

Et c’est ce qui nous fait écrire que Gilles Vidal devrait logiquement rester chez Renault pour vivre cette nouvelle génération de modèles. Elle va porter sa griffe et celle de son équipe. Et s’il n’a pas pu tuer le père chez PSA/Stellantis en prenant la succession de Jean-Pierre Ploué solidement ancré sur son trône, il s’offre quand même à lui la possibilité de prendre, à moyen terme, la succession de l’excellent Laurens van den Acker chez Renault (ci-dessous avec Gilles Vidal). Car depuis le plan « Renaulution » de Luca de Meo en 2021, Laurens tient le même rôle que celui de Jean-Pierre Ploué, à une différence près : il gère dans le groupe quatre marques (Renault, Alpine, Dacia, Mobilize) contre 14 dans le groupe Stellantis. Ce qui lui fait dire sur notre site que « la vie est plus compliquée avec 14 enfants qu’avec 4, non ?! »

Comme à l’époque de Stellantis, Gilles Vidal, patron du design d’une marque (en l’occurence ici Renault) réfère au directeur design du groupe Renault, à droite : Laurens van den Acker.

Laurens van den Acker aura effectivement 60 ans le 5 septembre prochain. Mais Laurens a encore beaucoup à faire, car son rôle est immense avec ses différentes missions transversales, notamment faire en sorte que le design du groupe, dans tous les centres de design du groupe sur la planète, dispose des moyens techniques les plus en pointe.

Finalement, si transferts il y a dans les équipes de design entre les deux groupes français, ils devraient être moins intenses que dans les années 2020-2021. Et puis il y a une certitude, c’est que Gilles Vidal, même sans Luca de Meo, devrait rester en France. Les propositions qu’il a repoussées avant son départ pour Renault l’ont été pour des raisons personnelles, et notamment, celle de rester en France. Elles émanaient pourtant de grands constructeurs internationaux.

Tous les designers vous le diront, arrivés au terme du renouvellement d’une ou de deux gammes de produits, l’ennui peut s’installer. Renifler l’herbe du voisin toujours plus verte est alors très tentant. Mais Gilles Vidal n’a pas encore vécu ce fameux renouvellement d’une gamme complète chez Renault avec « sa » griffe. En fait, il est même au cœur de ce renouvellement gigantesque. Il serait dès lors plus valorisant pour lui d’attendre que cette nouvelle gamme s’installe. Ce timing pourrait également coïncider avec la retraite de Laurens van den Acker ci-dessus. Alors, est-ce le moment idéal pour Gilles Vidal de quitter le navire ? Nous pensons que non. Mais nous pensions aussi que Luca de Meo serait encore patron du groupe après le 15 juillet…

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